L’acquisition du bien immobilier d’exploitation est souvent un raisonnement logique pour l’entrepreneur qui souhaite se construire un patrimoine immobilier. Mais quels sont les avantages et les inconvénients de cette acquisition ? Faut-il constituer une société immobilière ? L’immobilier est-il un frein à la transmission des entreprises ? Retour sur quelques implications de la possession immobilière.
Acquérir un immeuble dans la société opérationnelle VS constituer une société immobilière
La solution n’est évidemment pas commune à tous : cela dépendra, entre autres, des perspectives de l’actionnaire. On peut cependant déjà noter qu’en début d’activité, on préfèrera acquérir l’immobilier directement dans la société pour déduire la TVA sur les travaux, par exemple, mais également pour profiter de subsides à l’investissement.
Si l’objectif est de vendre l’entreprise (la partie opérationnelle) dans les années à venir, mieux vaut acquérir l’immeuble dans une seconde société qui pourra être conservée par le vendeur une fois la cession finalisée afin de profiter du revenu des loyers. Cette solution arrange souvent l’acquéreur qui souhaite dans un premier temps investir dans l’exploitation et qui n’a peut-être pas suffisamment de trésorerie pour acquérir l’immobilier. Si cette solution est choisie, le vendeur peut également concéder au repreneur une option sur l’immeuble ou sur les actions de la société immobilière qu’il pourra exercer une fois le crédit d’acquisition de l’entreprise opérationnelle remboursé.
Bien entendu, des solutions existent pour séparer l’immobilier et l’opérationnel préalablement à une cession d’entreprise. Si la vente à proprement dit de l’immeuble n’est pas préférée car lourdement taxée (aussi bien pour le vendeur que pour l’acquéreur via les droits d’enregistrement), on peut envisager une scission partielle de la société. Cette division de la société en deux sociétés est intéressante mais doit se faire sous le strict respect de certaines règles et doit se justifier par d’autres motifs que ceux purement fiscaux. La scission doit impérativement se faire sous l’œil attentif d’un fiscaliste spécialisé en la matière.
Quel est l’impact de l’immobilier dans l’évaluation de mon entreprise ?
Dans la plupart des cas, mais pas tous, l’immobilier doit être considéré comme un actif financier que l’on ajoute à la valeur de l’entreprise, au même titre que le cash.
En pratique, pour l’utilisation des méthodes d’évaluation basées sur les rendements ou sur les cash flows (méthodes des multiples ou méthode discounted cash flows), on amputera le résultat de l’entreprise d’un loyer fictif et on ajoutera, à la fin, la valeur de l’immeuble pour obtenir la valeur des actions de la société. Le choix du montant du loyer fictif doit se faire au regard de ce dont la société a besoin pour fonctionner normalement. Dans certain cas, ce loyer peut être inférieur ou supérieur au loyer qui serait demandé pour l’immeuble effectivement occupé par la société. C’est le cas lorsque l’entreprise utilise des locaux de standing alors que ce n’est pas nécessaire, ou si au contraire, le mauvais état du bâtiment ne permet pas d’offrir des conditions de travail décentes au personnel de l’entreprise.
Cette manœuvre a pour but d’appréhender les rendements opérationnels et immobiliers à des niveaux de risques différents.
La société que je veux acheter possède de l’immobilier, cela va rassurer mon banquier ! Vrai ou faux ?
Comme toujours en matière de transmission, une seule réponse ne peut être apportée à tous les cas de figure. Cela dépend notamment du niveau d’endettement de la structure et des fonds propres de la société.
Un immeuble fortement endetté aura une valeur nette peu élevée et pèsera donc moins dans le prix des actions de la société.
Au contraire, un immeuble peu endetté pourra étonnamment lourdement compliquer le financement de l’acquisition et demandera certainement un effort propre supérieur de la part de l’acquéreur.
Si la société ne dispose pas d’assez de fonds propres distribuables, elle ne pourra pas mettre l’immeuble en garantie (interdiction par la loi, dans la plupart de cas, du mécanisme « d’assistance financière »). Par conséquent, le repreneur se retrouvera à financer de l’immobilier par son crédit d’acquisition des parts de la société dont la durée est généralement de 5 à 7 ans, voire 10 ans dans certains cas rares.
Au contraire, si la société dispose de fonds propres distribuables conséquents, un mécanisme de debt-push-down pourra être mis en place.
En français : dans certain cas, il est possible de refinancer l’immobilier au sein de la société cible. Cette opération va générer un excédent de trésorerie qui pourra être distribué sous forme de dividendes à la société holding du repreneur, exempté de précompte mobilier par application des RDT (revenus définitivement taxés, sous certaines conditions). Attention toutefois à respecter les règles de mise en matière de versement de dividendes, notamment le double test de liquidité-solvabilité pour les SRL. Cette opération pouvant prendre du temps, les banques acceptent généralement de faire un crédit-pont dans la holding, le temps que le dividende soit distribué et vienne rembourser ce crédit. De cette façon, l’immobilier sera financé sur une durée classique de 15 à 20 ans, avec une hypothèque au profit de la banque afin de sensiblement réduire son risque. La partie opérationnelle sera quant à elle financée dans la holding sur une période de 5 à 7 ans.
En conclusion, la présence d’immobilier dans une société à vendre peut être un frein mais des solutions existent et doivent être étudiées puis implémentées suffisamment à l’avance, parfois plus d’un an avant la date de vente espérée de la société. D’où l’importance de contacter son conseiller en transmission le plus tôt possible. Il pourra, assisté d’un fiscaliste, vous conseiller sur les démarches à entreprendre, et puis les concrétiser.